Article co-écrit par Pascal Vancutsem, coach, et Céline Butin, communicante Crise et décision
Certes, tel est le sens commun actuel de ce mot. Cependant, la crise est plus que cela. C'est un moment périlleux ET décisif (définition du Litré), un moment clé où nous devons prendre des décisions. Prenons pour exemple celui de deux décisions prises par nos instances politiques à quelques heures d’écart… Le 12 mars, à 9h, un journaliste de France info interroge Jean-Michel Blanquer sur la possible fermeture des écoles à l’échelle nationale, et ce dernier répond : « Nous n'avons jamais envisagé la fermeture totale parce qu’elle nous semble contre-productive » [1]. Le même jour, à 20h, le Président de la République annonce la fermeture de l'ensemble des établissements scolaires du pays. Cet exemple manifeste à lui seul la dissonance de raisonnements qui se prétendent tous deux logiques alors qu’ils ont conduit à des décisions contradictoires. Il ne s’agit pas ici de se demander quelle était la « bonne » décision dans ce contexte particulier mais comment décider d’une manière pertinente et adaptée en situation de crise. L’étymologie du mot « crise » peut nous mettre sur la voie. Le terme « crise » vient du latin « crisis » qui lui-même vient du grec « krisis » (κρισις) et de la racine indo-européenne « krei », signifiant passer au crible, distinguer, discerner, juger. Ceci nous apprend ou nous rappelle qu’en situation de crise, nous devons d’abord prendre le temps de rassembler les éléments, de les passer au crible, de distinguer ce que nous retenons comme pertinent pour fonder notre jugement et, enfin, de prendre une décision pleinement assumée. Pourtant, face à une crise, notre cerveau nous pousse à décider au plus vite et à passer à l’action pour répondre à l’urgence. Il est programmé pour nous faire réagir de façon automatique et rapide (voire instinctive), face au danger ainsi qu’en situation simple et/ou connue. Mode confortable et économique en énergie cognitive, ce mode mental automatique a une forte tendance à refuser de reconnaître ce qu’il n’a pas prévu et de passer le relai quand il n’est pas adapté à la situation (= « persévération » cognitive). Il permet d’expliquer pourquoi beaucoup d’entre nous, moi y compris, n’avons pas réalisé immédiatement la nouveauté et la complexité de cette crise. Nos premières réactions (incrédulité, sentiment de ne pas être concernés, minimisation des risques, ancrage dans des certitudes…) étaient l’expression de ce mode automatique et des multiples biais cognitifs qui le caractérisent. Biais cognitifs et Mode Mental Automatique
Au début de la crise du Covid-19, notre cerveau fonctionnait principalement en mode mental automatique, comme à son habitude. Il cherchait à assimiler les nouvelles informations dans son cadre cognitif usuel (processus d’assimilation décrit par Piaget) et négligeait les informations dérangeantes ou inquiétantes, susceptibles de nous perturber. Le mode automatique faisait son job : tenter de nous rassurer et de nous permettre de gérer simplement notre quotidien. Étant donné son fonctionnement routinier, sa tendance à la persévération (refus du changement) et à la simplification, son ancrage sur les certitudes, sa focalisation sur l’efficacité immédiate, etc., il n’est pas étonnant que notre mode automatique ait considéré le Covid-19 comme une « grippette », aidé en cela par les divers biais cognitifs s’exprimaient alors dans nos têtes et sur les plateaux de télévision. A commencer par le biais de confirmation, qui est notre tendance à sélectionner et retenir uniquement les informations confirmant nos croyances, nos idées préconçues, nos hypothèses de départ. Ce biais va de pair avec celui de la « politique de l’autruche » qui nous fait ignorer les informations perçues comme négatives ou dangereuses et les exclure de notre processus de décision. Vous comprendrez aisément pourquoi décider en mode automatique n’est la manière la plus adaptée de gérer une crise. Nous pourrions continuer la liste de ces biais qui ont retardé notre prise de conscience collective de la gravité de la crise qui touchait de plus en plus de pays. Cependant, à un moment donné, au vu du nombre et de la diversité des personnes emportées par le Covid-19, le processus d’assimilation n’était plus possible. Notre cerveau a dû changer de stratégie et entrer dans un processus d’accommodation, en transformant son modèle de représentation de la réalité. Faisant preuve de flexibilité, il a basculé en mode mental adaptatif. Vous venez de lire le premier extrait de cet article. Le deuxième extrait sera publié prochainement. Pour être informé de sa publication, connectez-vous au profil de Pascal Vancutsem sur Linkedin. Voici un autre article susceptible de vous intéresser, intitulé " Décoder les comportements avec l'Approche Neurocognitive et Comportementale " : Les commentaires sont fermés.
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AuteurPascal Vancutsem est spécialisé dans l’accompagnement de managers, de dirigeants et de personnalités pour la construction de leur stratégie personnelle. Archives
Juillet 2023
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